Poèmes qui ont bercé mes nuits...
J'eus toujours de l'amour pour les choses ailées.
Lorsque j'étais enfant, j'allais sous les feuillées.
J'y prenais dans les nids de tout petits oiseaux.
D'abord je leur faisais des cages de roseaux
Où je les élevais parmi les mousses vertes.
Plus tard, je leur laissais les fenêtres ouvertes,
Ils ne s'envolaient point ; ou, s'ils fuyaient aux bois,
Quand je les rappelais, ils venaient à ma voix.
Une colombe et moi longtemps nous nous aimâmes.
Maintenant je sais l'art d'apprivoiser les âmes.
Victor HUGO, "J'eus toujours de l'amour..."
Ma main est un animal.
Ma main écrit...bien ou mal.
Ma main dessine des choses.
Ma main sait cueillir les roses.
Ma main caresse, ma main cause,
Ma main sur ma main se pose.
Dans ma poche, ma main joue.
Ma main frappe sur la joue
De celui qui m'enquiquine.
Ma main tape à la machine.
Tape sur le Minitel.
Ma main met un grain de sel
Sur la queue du rouge-gorge.
Ma main pourrait, dans la forge,
Battre le fer sur l'enclume.
Mais ma main est main à plume !
Et fabrique des poèmes,
Des comptines. Ma main sème,
Les grains de l'imaginaire,
Les rêveries, les chimères
Dans les oreilles amies
Ma main qui dit à vos mains
Prenez-vous donc par la main...
Georges JEAN, "La main"
Les Mots tarabiscotés
Les biscottes, les tarots,
Les encaparaçonnés,
Les motifs et les motos.
Les mots qui volent au vent,
Le veau et l'engoulevent,
Le vent et l'engouleveau,
Les goulus et les bouleaux,
Les mots dorment, les mots baillent
Le Mot caravances et raille,
Les mots riment et rimaillent
Ou railleurs les mots déraillent.
Les mots chouettes les mots moches,
Le mot maux, l'aristoloche
Pipistrelles de nos soirs,
Les mots chantent dans le noir :
Continue un peu...pour voir !
Georges JEAN, "Le plaisir des mots"
Oiseau de fer qui dit le vent
Oiseau qui chante au jour levant
Oiseau, bel oiseau querelleur
Oiseau plus fort que nos malheurs
Oiseau sur l'église et l'auvent
Oiseau de France comme avant
Oiseau de toutes les couleurs
Louis ARAGON, "Coq"
J'écrirai le jeudi j'écrirai le dimanche
Quand je n'irai pas à l'école
J'écrirai des nouvelles j'écrirai de romans
Et même des paraboles
Je parlerai de mon village je parlerai de mes parents
De mes aïeux de mes aïeules
Je décrirai les pré je décrirai les champs
Les broutilles et les bestioles
Puis je voyagerai j'irai jusqu'en Iran
Au Tibet ou bien au Népal
Et ce qui est beaucoup plus intéressant
Du côté de Sirius ou d'Algol
Où tout me paraîtra tellement étonnant
Que revenu dans mon école
Je mettrai l'orthographe mélancoliquement
Raymond QUENEAU, "L'écolier"
La lune de ses mains distraites
A laissé choir, du haut de l’air,
Son grand éventail à paillettes
Sur le bleu tapis de la mer.
Pour le ravoir elle se penche
Et tend son beau bras argenté ;
Mais l’éventail fuit sa main blanche,
Par le flot qui passe emporté.
Au gouffre amer pour te le rendre,
Lune, j’irais bien me jeter,
Si tu voulais du ciel descendre,
Au ciel si je pouvais monter !
Théophile GAUTIER, "Clair de Lune"